Les glaneurs: le symptôme d'une société en crise

Publié le par lâcher les scoops

 

    Paris, il est 19h. La vie nocturne commence doucement à prendre place. Depuis quelques mois, une nouvelle pratique vient de faire son apparition: le glanage.


    Ce ne sont pas ceux d'autrefois qui ramassaient des épis de blé à la fin de la moisson des agriculteurs comme au XIXe siècle dans les régions agricoles du nord. Aujourd'hui, la société consumériste force certains à récupérer les restes des autres .

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                                                                  Au XIX e siècle, les glaneuses, c'était les paysannes immortalisées par
                                                                   le tableau de Millet, qui ramassaient dans les champs les épis ayant
                                                                  échappé aux moissonneurs.

    Le rendez-vous est pris avec le gérant d'un supermarché
de la rue de Clignancourt dans le 18e arrondissement parisien .  Le but: mieux comprendre son rapport à la pauvreté quotidienne qui se déroule devant son établissement: « Je sais que des gens font les poubelles mais je ne savais pas qu'ils s'appelaient des glaneurs. Cette pratique me choque ». Un mot méconnu des français mais dont le phénomène n'est pas ignoré. Le gérant du magasin ne nie pas aider ces gens  « pour qu'ils vivent tout simplement », il donne un diaporama de ceux qui sont amenés à glaner: « La majorité des gens qui le font sont des étrangers, il y a très peu de français », de là à faire le lien avec la pauvreté et l'immigration il n'y a qu'un pas: «  Les immigrés qui entrent sur le territoire viennent pour trouver du travail et la destination favorite est Paris. Mais très peu se doutent que ce n'est pas si facile,ils se retrouvent à la rue et sont donc obligés de se débrouiller par leurs propres moyens ». Attention Pauvre n'est toutefois pas égal à immigré! Malgré le fait qu'il aide ces gens en ne mettant pas de javel dans les poubelles comme le réclament ses dirigeants , il a remarqué un mode opératoire étrange: «  Il y a des gens qui entrent dans le magasin comme toute personne qui vient faire ses courses, ils nous abîment nos produits pour qu'ensuite nous les jetions à la benne » , une méthode qu'il condamne fermement. Toutefois c'est toujours le côté humain qui reprend le dessus : « J'ai une conscience. Voir des gens qui fouillent dans vos poubelles, ça pourrait être un membre de ma famille, un ami. Ça me fait mal au cœur. Même si je sais que je risque ma place en faisant ça, je ne laisserais pas des hommes et des femmes mourir de faim alors que j'ai de la nourriture comestible à leur proposer ». Après avoir appelé le dirigeant du groupe, on apprend que le gérant risque bel et bien un licenciement pour faute professionnelle avec impossibilité de retravailler dans le secteur agroalimentaire. Autant dire que le risque que prend ce monsieur est à la hauteur de la misère dont souffrent ces gens.


glaneurs1F.preview-1-.jpg                                                                                     A la fin des marchés ou à la sortie des magasins
                                                                                     les glaneurs prennent ce que les autres ne veulent
                                                                                     plus.

    A la sortie du supermarché, la scène est saisissante. Un
groupe de cinq personnes se jette sur les poubelles tout juste sorties. Une scène du quotidien à laquelle les passants ne prêtent même pas attention. Sans un mot, ils fouillent, déplacent, raclent la poubelle dans tous les sens à la recherche d'une laitue, de radis ou de tout autre aliment permettant de composer leur repas du soir.

     Odette, jeune retraitée, n'a plus honte de faire les poubelles.

     C'est elle qui mène les opérations. Les autres lui font confiance et suivent ses conseils pour perdre le moins de temps possible. Pour cette ancienne employée de cuisine, glaner un est un moyen de suffire à ses besoins: « Je fais ça depuis huit ans. Ma retraite ne me suffit pas pour vivre. J'ai un petit revenu et après avoir payé toutes mes factures il ne me reste plus rien pour manger. Le fait de glaner, récupérer des fruits et des légumes, ça m'aide beaucoup », à tel point qu'elle réalise une économie de 15 à 20 euros par jour.

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    La baisse du pouvoir d'achat,  un problème auquel de plus en plus de français sont confrontés: chômeurs , étudiants, retraités, mal logés et salariés « tout le monde fait les poubelles, ç'est de pire en pire et je vois de plus en plus de jeunes nous rejoindre». Des rendez-vous de plus en plus fréquentés qui provoquent de vives tensions: « Il y a en a qui veulent attraper toujours plus que les autres ce qui provoque des bagarres. C'est très dur à gérer et c'est pour ça que je fais un peu la police quand je suis là». Véritable humaniste dans l'âme , Odette ne repartira pas tout de suite chez elle. Avant, elle passera faire un tour près de la Gare du Nord où elle donnera un peu de son butin et beaucoup de son temps au Secours populaire: « J'aime aider les gens » Là, autour d'une tasse de café, elle réchauffera les SDF par ses histoires jusqu'à la prochaine fois...souvent dès le lendemain.

 

 

Réactualisation:    A la relecture de cet article, je remarque le côté  «planplan»  du récit. Le but premier était de faire  connaître à chacun ce phénomène qui n'est pas nouveau mais que l'on retrouve seulement dans les  villes. Loin de moi l'idée de misérabilisme qui transpire parfois dans le texte.                                                                             

 

Arnaud BOISTEAU

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G
<br /> <br /> merci. j'ai décidé de n'utiliser que le tableau de Millet<br /> <br /> <br /> tu trouveras mon article dans<br /> <br /> <br /> http://emparteincerta.blogs.sapo.pt/1507.html<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Ce ne sont pas mes photos à vrai dire donc je n'y vois aucun inconvénient.<br /> <br /> <br /> Tu pourras m'envoyer le lien de ton article stp?<br /> <br /> <br /> Merci<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> Je viens d'écrire un article sur ce même sujet que je posterai dans mon blog. Il se trouve que lors de mon expérience à Paris, mon appareil photo venait de se faire casser, donc pas de photos.<br /> J'aimerai utiliser la votre, que j'ai trouvé sur google, avec mention de la source, bien sûr. Seriez-vous d'accord?<br /> <br /> <br /> P.S. Votre article n'est pas misérabiliste. C'est la réalité qui l'est<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> J'ai vu un reportage sur M6 qui montrait ce phénomène urbain. Je pense qu'il faut encadrer les glaneurs plutôt que se montrer répressif. Ils auront toujours besoin de manger ou de s'habiller, ça<br /> sert à rien de les empécher de faire qql chose, qu'ils feront quoi qu'il arrive autre part.<br /> <br /> <br /> <br />
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